La culture hydroponique

Hors-sol, les plantes !

Les plantes poussent dans la terre, c’est une évidence ! Mais en êtes-vous si sûr ?

La culture hors-sol vous dit elle quelque chose ? Il s’agit, comme son nom l’indique, d’un moyen de culture hors-sol. Plus précisément, l’hydroponie consiste à n’utiliser que des substrats neutres et de l’eau, à la base. C’est une culture dont les racines reposent dans un substrat neutre et minéral tel que argile, gravier, laine de roche, sable. Une base naturelle, donc, ce qui n’exclut pas que le substrat puisse également être d’origine industrielle.

Vous mangez sûrement sans le savoir des tomates hydroponiques : chez nous, 70 % des tomates sont cultivées en hydroponie. Une pratique concurrente, l’aquaponie, ne récolte elle qu’un pourcentage anecdotique (moins de 4%). L’hydrponie est donc dans votre qotidien.

Mais d’où vient ce terme, « hydroponie ». D’un point de vue étymologique, hydroponie vient du grec « hydros » eau et « ponos » travail.

Un mode de culture employé depuis la nuit des temps

L’hydroponie n’a en soit rien de nouveau. C’est un type de culture qui a plus de 4000 ans. Rien que ça ! Les chinois l’utilisent depuis des millénaires. Parmi les premières traces d’utilisation, on trouve les chadoufs en Mésopotamie qui remonte à 1500 ans avant notre ère. Les chadoufs, ce sont des puits qui irriguent les plantations.
Plus tard, ces systèmes ont été adoptés et améliorés par les Égyptiens dans leur tentative d’optimisation des cultures et des crues du Nil. Déjà, à cette époque, l’hydroponie est adoptée comme solution d’adaptation au changement climatique, entre autres suite à la raréfaction des pluies.

Du temps de Babylone, on cultivait des plantes depuis les rigoles des terrasses, elles-même alimentées par le ruissellement des eaux des terrasses supérieures. Ce n’était pas à purement parler d’hydroponie, car ces rigoles contenaient de la terre, mais ces utilisations correspondaient finalement aux débuts de l’hydroponie.

Plus tard, les Aztèques ont conçu, pour la ville de Tenochtitlan (aujourd’hui Mexico), un réseau de canaux qui irriguaient les cultures hors-sols, les « chinampas » – un mélange de roseaux et de tiges.

Plus près de nous, c’est dans les années 1930 aux USA qu’a été employé pour la première fois le terme hydroponie. Les débuts ne sont pas encore convaincants, mais les premiers résultats attestent d’un potentiel.

Le début des années 1970 marque deux étapes importantes. D’une part, le développement de l’hydroponie commerciale, marquée par son adoption par des maraîchers.

D’autre part, le développement de la technique de culture sur film nutritif (NFT – Nutrient Film Technique). Cette diffusion améliore considérablement l’efficacité de la culture et la propulse au rang de technique agricole pertinente.

L’hydroponie : une réponse aux carences ?

L’hydroponie s’est développée comme une réponse aux problèmes de carence d’eau, de terres agraires, d’aléas climatiques, de mauvaises conditions, etc…

Il y a aussi une volonté de beaucoup de consommateurs de reprendre la main sur ce qu’ils mangent. Sur ce point, l’hydroponie permet à un citadin lambda de démarrer une petite culture.

L’hydroponie plutôt que la culture en pleine terre : pourquoi ?

Penchons-nous tout d’abord sur les avantages. A commencer par la croissance des plantes. Celle-ci est beaucoup plus rapide qu’en pleine terre. En effet, l’assimilation des substances nutritives est plus rapide. De même, elles sont moins exposées aux maladies, parasites et nuisibles qu’en pleine terre.

Les légumes, étant donné qu’ils ne sont pas en contact avec la terre, sont en général plus beaux.

La culture peut être faite partout : en ville, sur les toits des immeubles, sur un terrasse, etc….
Au cours des dernières années, des « fermes urbaines » sont d’ailleurs apparues un peu partout, à Singapour et à New-York, notamment.

Autre point, et non des moindres : l’hydroponie est accessible à tous et toutes en tous lieux, y compris dans les villes des pays chauds (Afrique, Asie du Sud). Or, si de telles cultures arrivaient à s’imposer dans les villes africaines, ce serait une étape importante dans la bataille contre la faim.

Les cultures hydroponiques sont intéressantes en Belgique, aux Pays-bas, au Danemark, par exemple, pays qui arrivent à cultiver des tomates, des concombres, plutôt que de les faire venir d’Andalousie, 1500 kilomètres plus bas.

Pas encore convaincu(e) ? L’hydroponie présente des avantages en terme économique : elle nécessite peu de moyens tant que l’exploitation n’est pas à grande échelle, bien sûr.

Enfin, et c’est un point capital pour son essor : elle permet d’augmenter la sécurité alimentaire. Certains pays, par exemple, importent plus de 90% de leurs fruits et légumes. L’hydroponie peut dans ce cadre jouer un rôle et diminuer la dépendance du secteur agroalimentaire.

De la sécurité alimentaire à une solution contre la faim, il n’y a qu’un pas, finalement. Au cours des dernières années, la FAO (Organisation Mondiale de l’Agriculture) n’a eu de cesse de relancer les discussions sur les opportunités offertes par l’hydroponie.

L’hydroponie, mais pas que …

L’hydroponie, culture hors-sol, n’est pas la seule. Elle est en « concurrence » avec deux autres techniques: l’aquaponie et la bioponie. Le principe général est le même (la culture hors-sol).

L’aquaponie utilise les substances nutritives de plans d’eau tels que l’exploitation de piscicultures, rizières, plans dans lesquels ils trouvent les éléments pour leur croissance. Les rejets des poissons, l’urine, la décomposition des algues se décomposent et fournissent les éléments nutritifs.

La bioponie, elle, va plus loin que l’hydroponie, dans le sens où elle impose que les substances nutritives soient organiques et biologiques.

Des légumes sur mars pour les terriens

Des légumes partout, pour tous et toutes ! Telle pourrait être la devise de l’hydroponie. L’exemple du lieu de culture le plus extrême : le recours à l’hydroponie initié par la NASA.

Déjà, en 2016, l’astronaute américain Scott Kelly avait posté une photo de la première plante issue de l’hydroponie : »Veggie ». Le mot était lâché : l’hydroponie est possible en tous lieux, même les plus extrêmes.

Dans le même esprit, la NASA lance cette année un programme de recherche (Red Project), une expérimentation qui va permettre de fournir en fruits et légumes les premiers terriens qui y habiteront en 2030. On l’a bien compris, l’hydroponie est une technologie agricole du futur !

Un système de culture sans vie

Parmi les critiques de l’hydroponie, citons l’argument selon lequel il n’y a pas de vie dans un système hydroponique.

Et puis, un système hydroponique, pour autant qu’il soit plus simple, a un besoin de surveillance important. En effet, les plantes exigent une surveillance du niveau de pH, de l’hygrométrie.

Les opposants à l’hydroponie attirent – parfois à juste titre – l’attention sur les cultures intensives hydroponiques, très voraces en énergie. Ceci est particulièrement vrai pour les légumes hors saison ou dit « du soleil » (les tomates au Pays-Bas, par exemple).

De nombreux agriculteurs dits traditionalistes ou même de nombreux consommateurs attachés aux traditions regrettent la culture industrielle des tomates sans saveur, tomates qui poussent souvent sous serres, sans jamais voir le soleil. Il y a un fort attachement aux traditions en Europe, notamment, qui nous fait regretter la saveur des légumes d’antan, le temps de faire pousser les plantes, loin de la recherche effrénée de la culture industrielle et du profit.

De même, on peut toujours regretter une agriculture qui permet une consommation en toutes saisons – c’est une de ses forces – mais ce peut être aussi une faiblesse.

Toujours dans la liste des arguments contre l’hydroponie : Elle est fréquemment considérée comme un système de culture forcée.

Enfin, l’hydroponie n’est pas adaptée à certains fruits, telles que les pommes et les poires. Mais elle est en train d’être envisagée pour le maïs.

La ferme en ville

Les acteurs l’ont bien compris : plus possible de penser la ville du 21ème siècle – durable forcément – sans un concept d’agriculture urbaine. Aujourd’hui, près de 80% des habitants du globe vivent en ville. L’intérêt est donc grand d’amener la ferme à la ville. A telle point qu’on parle aujourd’hui de fermes urbaines. Il faut dire que l’hydroponie répond très bien aux problématiques à la fois du climat, mais aussi du foncier. On peut ainsi mettre 52 salades contre 9 dans une exploitation classique agricole. Et l’agence de l’environnement de faire écho de cette tendance en intégrant dans sa politique de développement durable tout un volet dans ce sens. Faire marcher l’hydroponie urbaine, c’est bon pour le climat.

Procès contre l’hydroponie ou contre la culture industrielle ?

Il ne faut pas se tromper de procès : l’hydroponie n’implique pas nécessairement l’emploi de substrats de type industriels, tout comme la culture classique.

On l’a bien compris, c’est l’industrialisation de l’hydroponie qu’il faut condamner, pas la technique agricole qui, elle, est vieille de plusieurs milliers d’années.

Pas encore de label écologique !

Un label « issu de l’agriculture biologique » implique une culture dans une terre saine. Les produits issus des cultures hors-sols ne peuvent prétendre à ces labels, car ils ne sont pas cultivés naturellement dans le sol. Seuls les États-Unis reconnaissent l’hydroponie, à condition que les produits nutriments soient organiques et biologiques. C’est donc un frein important, tant pour le consommateur que pour les potentiels investisseurs.

Les adeptes, eux, ont déjà fait leur choix. Avec plusieurs arguments à la clé:

– Économie d’eau : Selon l’INRA , une production hydroponique consomme entre 75 et 90%  moins d’eau qu’une production classique.

– Apports d’engrais : L’AFAUP relève que les cultures hydroponiques consomment jusqu’à 40% d’engrais en moins, car ceux-ci sont assimilés beaucoup plus vites par les plantes. Il n’y a pas de « lavage dans la terre ».

La bioponie – version écologique de l’hydroponie- recourt aux nutriments biologiques.

Aujourd’hui, une avancée importante pour le secteur serait la reconnaissance par l’Europe de la bioponie.

De retour sur les terres !

Elle est employée notamment en horticulture en milieu rural depuis les années 1980, note l’AFAUP (Association Française d’Agriculture Urbaine).

Du côté rural, même si on regrette cette agriculture urbanisée, on n’a pas dit le dernier mot.

La Fédération paysanne reconnaît s’être laissée prendre de cours par le phénomène hydroponie.

Mais elle tente à présent de rattraper le retard. Avec force échanges, propositions et collaborations.

L’avenir est à inventer, dit-on à la campagne et à la ville!

Aujourd’hui…. et demain ?

Toute technologie, toute pratique, apporte son lot avec elle son lot d’opportunités et d’espoirs.

Maintenant que la culture hydroponique a fait ses preuves, les possibilités d’essor sont quasiment illimités, et notamment :

  • Une sécurité alimentaire renforcée pour l’ensemble de la population mondiale. En effet, l’hydroponie permet de consommer des fruits et légumes en toutes saisons, sous toutes latitudes ;
  • Une réduction de la pollution, en évitant de consommer des légumes produits à plusieurs milliers de kilomètres de chez eux ;
  • Une agriculture plus proche du consommateur. Ce qui correspond, in fine, au cycle court, au « consommez local », finalement ;

Parallèlement aux opportunités, il convient de prendre en compte les risques, et notamment :

  • Une culture aseptisée, issue de la science-fiction. C’est l’argument qu’avancent les opposants à l’hydroponie. Une véritable culture, avancent-ils, ne peut provenir que de la terre, d’une terre saine. Quelle saveur pour les producteurs qui se lancent encore aujourd’hui en production 100% bio, en pleine terre ?
    Pour autant que ce soit vrai, n’oublions pas qu’il existe de nombreuses cultures en terre de type industriel, où de nombreux produits chimiques sont employés.
  • Il se pourrait que l’Europe assouplisse sa réglementation en autorisant les cultures sous serres, les cultures hydroponiques et aquaponiques sous réserve qu’elles n’utilisent que des fertilisants biologiques. Alors que les USA autorisent déjà ce type de culture, n’y a t-il pas un danger que l’Europe soit submergée par les importations venue d’outre-Atlantique ?

L’hydroponie est un des outils qui peut nous permettre d’être résilient face aux défis liés au changement climatique. Elle l’a déjà été du temps des Egyptiens.

De même, du temps des Aztèques, elle a permis d’augmenter la surface agraire. Enfin, et c’est la tendance actuelle, l’hydroponie nous amène les fermes en ville car 80% de la population habite en ville, ne l’oublions pas. Enfin,elle nous permet d’apporter un début de solution à a faim dans le monde.

Oui, avec l’hydroponie, l’avenir est entre nos mains !

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